jeudi 19 octobre 2017

questions posées par la Catalogne

Jamais l’Espagne depuis la fin du franquisme a connu une crise de cette dimension. La volonté indépendantiste d’une partie du peuple Catalan se fait de plus en plus pressante et on verra si le gouvernement actuel à Madrid est capable d’y faire face démocratiquement.

Le roi d’Espagne pour sa part a déjà répondu par son discours télévisé qu’il n’y avait rien à négocier, que seule la fermeté était de mise. Fidèle à la tradition espagnole de répondre violement aux aspirations du peuple en se montrant ferme sur l’indivisibilité de la nation, c’est d’un coup de poing sur la table et avec une voix pleine de menace qu’il entend maintenir l’unité du pays. Laissons le roi et penchons nous vers le Parti au pouvoir à Madrid.

La responsabilité de la situation est à rechercher de son côté et actuellement la balle est dans son camp. Car, en 2006, c’est bien son camp qui a démantelé le statut d’autonomie qui était pourtant conforme à la Constitution. Depuis cette date chaque revendication vers plus d’autonomie des Catalans, renforçant le droit de décider, de choisir leur destin, est accueillie par les autorités de Madrid d’un revers de main. C’est bien cette attitude de Mariano Rajoy qui a mis le feu aux poudres à Barcelone.
Les Catalans qui veulent maîtriser leur destin, ne sont pas tous indépendantistes, loin de là. Et les autorités de Madrid répondent en envoyant la police.
Voilà la situation. Nous avons affaire à deux nationalismes avec les même caractéristiques : négation de l’autre, repli, simplification, alors que les identités de la Catalogne, comme celles de Madrid sont ouvertes à l’autre, internationaliste, cosmopolites, dynamiques. Mais le processus de confrontation tend à enfermer chacun dans son camp, et à rester sur sa position.

Nous avons assisté impuissants, dans les années 1990-2000, au processus de dissolution de la Yougoslavie faisant des milliers de victimes ; processus réalisé avec la bénédiction de grands pays européens, aboutissant à des micros Etats, non viables.
Nous assistons actuellement dans de nombreux pays à des processus identiques : en Italie, en Belgique, en Grande Bretagne, dans les pays de l’Est, et peut-être demain en France
Alors que c’est probablement vers l’inverse qu’il faudrait tendre : un processus d’unification, de rassemblement, car au-delà de nos différences identitaires, de nos spécificités, de nos cultures, de nos langues, de nos manières de faire la cuisine, etc, etc : tout ce qui nous rassemble, tout ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare, ce qui nous divise.

C’est probablement vers cette unité, tendant vers l’universalité qu’il faut aller si on veut sauver la paix, le vivre ensemble des peuples et la démocratie.  
Alors que les problèmes sociaux, l’exclusion, la pauvreté gagnent en Europe et donc aussi en Catalogne comme dans toute l’Espagne, alors que partout les habitants des quartiers populaires se sentent abandonnés, délaissés, il en est qui revendiquent une nouvelle forme d’égoïsme revêtue des habits neufs identitaires.

Les vraies questions ne sont pas là, mais dans le défi que nous avons à relever : saurons-nous collectivement bâtir une autre société de partage, d’échange, de rencontres et de paix.

samedi 7 octobre 2017

L’état d’urgence et la loi

On peut penser que le contexte actuel n’est pas favorable à la suppression de l’état d’urgence en France. A nouveau un individu a frappé cette semaine à Marseille, tuant deux jeunes filles. Une tentative d’attentat à Paris dans le 16è arrondissement vient nous rappeler que notre pays est la cible des tueurs.
Les attentats qui ont justifié l’état d’urgence, ont-ils diminué pour autant ?
Hélas, le drame de Marseille, comme celui de Nice, a eu lieu malgré l’état d’urgence.
Jamais des mesures répressives, attentatoires aux libertés individuelles n’ont pu résoudre une question d’ordre public et de sécurité.
Un peu plus de sécurité contre un peu moins de liberté, telle est la fausse équation qu’on nous propose. Il faut rappeler que liberté et sécurité vont bien ensemble, l’une n’est pas en contradiction avec l’autre.

Toutes les lois répressives, toutes les lois sécurité restent impuissantes face aux terroristes et aux criminels. Jamais une loi, ni aucun état d’urgence, n’ont pu empêcher un terroriste, ou un tueur, d’agir.

Alors comme le gouvernement ne peut pas prendre le risque de supprimer l’état d’urgence, il en inscrit les principales mesures dans la loi ordinaire. Il inscrit l’état d’urgence dans la loi.

C’est donc dans un contexte particulier que l’Assemblée a adopté mardi dernier la loi antiterroriste, sans que cela soulève de grandes contestations. Cette loi est un véritable recul pour le droit, car le texte introduit dans la loi commune, les dispositions exceptionnelles de l’état d’urgence.
Il s’agit d’une loi dangereuse pour nous tous, qui donne aux préfets les pouvoirs du juge. On pourra arrêter, maintenir en assignation à résidence n’importe qui. On pourra perquisitionner votre domicile sans contrôle du juge.
Bien sûr je pourrai répondre que je ne suis pas concerné par cette loi qui s’adresse à des criminels. Et je pourrai penser que je continuerai d’être libre puisque je ne suis pas un terroriste, que je ne suis pas concerné par la loi.
Mais c’est oublié que le gouvernement se donne là des moyens répressifs qu’un autre gouvernement pourra utiliser dans l’avenir, car la loi le lui permettra.
Nous ne savons pas comment les choses évoluent. Aujourd’hui on peut arrêter quelqu’un sur des intentions, sur des appréciations, sur un soupçon non motivé, sans preuve, sans fait.
Les abus, les stigmatisations, le contrôle au faciès, l’enfermement préventif, l’assignation à résidence : tout cela est maintenant inscrit dans la loi. C’est bien un régime des suspects qui est mis en place.

En fait il faut rappeler que la loi telle qu’elle existait auparavant suffisait. Qu’elle donnait au juge et au policier les moyens de surveiller, de prévenir, d’arrêter les criminels puis de les condamner.

Comment combattre le terrorisme ?
La prévention est absente du projet de loi : rien sur le renforcement du tissu associatif, le rôle de l’école, des éducateurs de rue, de la psychiatrie en milieu ouvert. Rien sur l’augmentation des moyens de la protection judiciaire et de la jeunesse. Rien sur le renforcement des services de renseignement. Rien enfin sur le financement du terrorisme, évasion fiscale et blanchiment qui alimentent les réseaux. Rien en définitive pour prévenir les comportements dangereux.
Carence d’une loi de circonstance, démagogique et liberticide.

François Baudin