mercredi 13 septembre 2017

Politique et vérité

Pour celui qui pense que toute manifestation est vérité et que toute vérité se manifeste, les centaines de milliers d’individus descendus dans la rue et sur les places jeudi 12 septembre avaient une vérité à faire entendre, à faire connaître.
Ils étaient nombreux à affirmer leur refus des réformes successives : celles de l’ancienne ministre du Travail El Khomeri comme celles aujourd’hui contenues dans les ordonnances Macron.
Ces milliers de manifestants ne veulent pas des réformes. Ils l’affirment, ils le manifestent ; ils refusent le monde qu’on leur propose.

Alors le gouvernement et le président de la République les désignent comme des conservateurs, des extrémistes et même des fainéants. L’insulte pour disqualifier est toujours une facilité rhétorique lorsqu’on n’a pas grand-chose à répondre.

Mais à travers cette insulte présidentielle, c’est bien une autre vérité qui s’affirme. Celle des affaires, de la liberté des affaires qui en leur sein et dans leurs secrets n’acceptent que les gagnants, les « winners » comme on les appelle dans le monde de la mondialisation.
La vérité des affaires doit triompher ; elle veut à tout prix se libérer de toutes contraintes, de toutes règles, de toutes lois, pour s’épanouir et se manifester sans entrave.
Laissez-faire les affaires, telle est la règle qui domine aujourd’hui. Et tout gouvernement ne doit trouver sa légitimé que dans cet objectif de servir les affaires, les développer, les maintenir et défendre leur liberté. Ce qui est désigné par l'expression : concurrence non faussée, libre et parfaite. Voilà aujourd’hui la vérité du monde.

Or face à cette vérité dominante, il en est une autre qui est son pendant. Elle concerne des milliards d’êtres humains : exclus, population flottante, nomades du travail, peuples déplacés dont les territoires sont détruits par des guerres, précaires ou futurs précaires, chômeurs, travailleurs pauvres. Une très grande partie de la population du globe est livrée à cette terrible réalité.
En France plus de 10 millions d’habitants vivent aux marges de notre société d’abondance pendant que huit personnes sur la planète possèdent la richesse de 2 milliards d’individus. Oui vous avez bien entendu 8 personnes.

Quel est le rôle, quelle est la mission d’un président de la République, de l’Etat, de tout gouvernement ?
Deux conceptions, deux choix, deux vérités sont possibles:
·  Laissez faire l’économie et penser que tout se réglera spontanément avec le moins d’interventions possibles, sauf militaires ou policières. Le moins de contrainte, le moins de lois : car toute contrainte nuit aux affaires. Le gouvernement des hommes doit faire place à l’administration des choses. Ce sont les choses elle-mêmes qui doivent se gouverner toute seule. Cela s’appelle le marché et sa main invisible.
·      Seconde vérité possible : Intervenir, redistribuer, réguler, et aussi contraindre par la loi. Cela s’appelle la politique, la république, la chose commune et l’intérêt général. Toutes choses que les hommes surent inventer pour pouvoir vivre ensemble.

L’exercice du pouvoir sera toujours un indicateur de vérité. L’art de gouverner et la vérité sont liés à tout jamais.
Depuis mai dernier nous sommes entrés dans une phase nouvelle de l’histoire politique de notre pays : celle de la mise en œuvre triomphale d’un libéralisme que des règles d’une autre époque (celle de l’après guerre en 1945) avaient pour un temps régulé.

François Baudin 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire