jeudi 29 juin 2017

L’hypertélie présidentielle

En philosophie, il existe un concept que notre nouveau président Macron qui se prétend lui-même philosophe, devrait méditer à ses heures perdues. Celui d’hypertélie. De quoi s’agit-il ? L’homme de par sa double capacité très développée d’imaginer, d’anticiper et de raisonner, est sujet à l’hypertélie. L’hypertélie en langage courant se nomme la « grosse tête ». Pour les éthologues, l’hypertélie est le symptôme d’une désadaptation, un peu comme les bois trop grands d’un cerf peuvent être une gêne pour vivre et bondir en forêt. Tout simplement pour survivre.
Ce qui était un avantage devient un risque mortel et le cerf coincé dans des branches à cause de ses bois gigantesques finira par mourir seul.
L’hypertélie est une modification évolutive exagérée d’un organe qui se transforme en handicap et mène à la mort, à la disparition.
Homo sapiens, homo démens. L’homme qui pense avoir tous les pouvoirs, qui se voit comme le maître du temps et des horloges, réglant la vie de chacun d’entre nous tel Jupiter dans son Olympe, est un homme de la démesure.
Dangereux pour lui et pour ses sujets : ce type d’homme ne peut mener un pays qu’à la ruine. L’homme qui se voit comme le roi de la création, le roi de son pays, qui se voit comme la lumière du monde est voué à la disparition.
Hubris, arrogance funeste, orgueil démesuré, sentiment de supériorité : tout cela mène irrémédiablement à l’erreur, à la faute. Un homme atteint d’une telle maladie, se condamne lui-même.
L’hypertélie humaine se caractérise par le fait de se considérer soi-même comme le centre et chacun pris isolément comme le centre du centre.

Cette semaine, nous avons assisté à une première démonstration du risque que chacun ressent dans son for intérieur. Cet homme, élu président par une minorité de Français peut être un individu dangereux pour la démocratie. Avec moins de 15% de votants au premier tour, un individu devient président de tous les Français. Avec un tiers des voix, les candidats macronistes obtiennent les trois quart des sièges à l’Assemblée.

Nous l’avions déjà pressenti lors de la campagne électorale : quelque chose n’allait pas pour ce jeune candidat, une forme d’hystérie dans le comportement devant des foules assemblées en meeting, des gestes incantatoires, un visage d’illuminé. Il voulait nous vendre une épopée qui n’a rien d’héroïque puisque inspirée par une ancienne religion : celle de l’ultra libéralisme. C’est nous faire passer des orviétans pour de bons médicaments. Rien de rassurant en fait.

Cette semaine, alors que débute véritablement la mandature, des signes nous indiquent la manière, le style de cet homme : court-circuiter toute forme institutionnelle, nommer ceux qui auront le droit de s’opposer au sein de l’assemblée nouvellement élue, désintégrer les Partis, dissoudre dans l’acide du profit maximum le droit du travail, instaurer dans la loi l’arbitraire administratif en y faisant entrer le droit absolu du souverain, mépriser les journalistes.
Le pouvoir absolu corrompt absolument. Rien ni personne ne doit faire obstacle : soumission oblige. Il convoque la représentation nationale pour le lendemain, il veut décider de tout, de vous, de moi, il préside par ordonnances et se veut empereur de tous les Français. Mais un empereur dont la défaite de Sedan est déjà en germe. Waterloo est toujours derrière Austerlitz.

Il n’est pas besoin d’être prophète pour prévoir que vont bientôt disparaître l’enthousiasme béat pour le jeune couronné, l’emportement médiatique de ces derniers mois, la macromania partagée par beaucoup.
La dure réalité reprendra alors son cours.
Celle de la loi du plus fort, du laissé faire qui protège les puissants ; loi terrible d’un monde qui laisse et abandonne des millions d’hommes.
Le président n’est fort que de notre faiblesse. Il incarne à lui-seul cet unique objectif tel un défi lancé à notre intelligence : comment faire pour qu’une minorité continue d’exercer les pleins pouvoirs sur tous ?

François Baudin

jeudi 22 juin 2017

Aucun jeune migrant à la rue !

Pour un pays, la manière de s’occuper des mineurs est révélatrice de ses mœurs politiques.
La façon de traiter les personnes mineurs, enfants et adolescents, est le miroir éthique qui permet de voir comment une nation considère les hommes qui vivent sur son territoire.
Or la France qui se prétend la patrie des droits de l’homme, ignore et même maltraite des enfants, cette partie de l’humanité considérée depuis la nuit des temps comme la prunelle de nos yeux.
Les enfants parce que plus fragiles, plus dépendants, plus en danger, doivent être prioritairement secourus, pris en charge.
Il faut savoir qu’en France, des milliers et des milliers de mineurs inconnus de l’administration, ignorés des pouvoirs publics, circulent sans rien, sans subsistance, sans secours, sans toit, sans papier, sans argent.
Ils ont fait des milliers et des milliers de kilomètres à pieds, en bateau, depuis l’Afrique sub-saharienne, avant d’arriver dans notre pays. La plupart ont disparu en cours de route : le désert africain en a dévoré une partie, des passeurs, des bandits les ont rackettés et violés en chemin, d’autres se sont noyés au large de la Libye ou du Maroc.
Quelques-uns ont réussi à venir jusqu’à nous, parfois après des années de route. Ils sont les Ulysse des temps modernes.
Cette histoire n’est pas une légende qui restera pour des siècles dans nos mémoires humaines, mais elle est le cauchemar de l’humanité qui pendant longtemps viendra hanter nos nuits. Qu’avons-nous fait pour les sauver ?
Nous, Occidentaux, qui sommes les principaux responsables de la situation dans laquelle on les condamnés : leur pays d’origine a disparu, il n’est plus un pays ; on est venu le détruire, l’exploiter, le piller, y placer nos hommes corrompus. Et nous y intervenons régulièrement pour y maintenir notre ordre par la guerre.

En France, il ne doit y avoir aucun jeune migrant dans la rue. Le droit international, les droits de l’enfant nous y obligent.
Depuis plusieurs mois, le Réseau Education Sans Frontière (RESF), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), la CIMADE alertent les élus du Conseil départemental de Meurthe et Moselle sur les graves lacunes de la prise en charge de jeunes migrants isolés dans notre département.
Pourquoi les pouvoirs publics ne sont-ils pas préoccupés par l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Il a fallu, mardi 20 juin, que des militants associatifs accompagnant dix jeunes migrants dont certains malades, viennent occuper les locaux du Conseil départemental de Meurthe et Moselle, pour qu’enfin une solution d’hébergement soit trouvée.
Cinq heures de discussion entre la délégation humanitaire, les élus du département et les services de l’Etat, ont été nécessaires pour que ces jeunes Africains, Congolais, Maliens, Sénégalais isolés et sans secours, soient assurés de dormir à l’abri, reçoivent un repas, aient accès à une douche, et soient suivis médicalement et socialement.
Ces enfants ont bravé des dangers pour venir jusqu’à nous.
Soyons dignes de les recevoir, soyons à la hauteur de leur courage et de leur détermination.

François Baudin 

jeudi 15 juin 2017

L'enfer de Calais


Il est des lieux où souffle l’esprit, écrit-on de manière métaphorique, pour appeler les hommes à l’écoute du monde. Ces lieux sont partout sur la Terre ; et l’homme quand il prête l’oreille est en capacité d’entendre ce que chaque endroit lui raconte.

Il est des lieux qui sont des trous noirs de l’information comme certains journalistes le disent parfois. Jamais ces lieux sont en capacité d’être écoutés, non pas parce qu’il ne s’y passe rien, mais parce qu’on refuse de les entendre pour de multiples raisons. Une censure s’exerce sur ces lieux parce qu’ils sont les révélateurs de notre monde tel qu’il va. Il faut que l’évènement crève l’écran pour qu’enfin on en parle, sinon les hommes restent ignorants à ce qui s’y déroule.

Enfin il est des lieux où l’humanité peut avoir honte qu’ils existent encore : La jungle de Calais, si bien nommée jungle car ce qui s’y passe est le signe évident que l’homme est capable d’oublier son humanité.
Capable de rester sourd à la souffrance de l’autre homme qu’on laisse là dans sa nudité, son malheur, son agonie.
La déclaration universelle des droits de l’homme dit que l’humanité ne peut pas laisser une autre partie d’elle-même sans soin, sans toit, sans nourriture. Les droits de l’homme fondent les droits des citoyens. Les droits des citoyens sont attachés à un territoire et aux être humains qui y habitent, selon certaines conditions. Les droits de l’homme ne relèvent d’aucun endroit particulier, d’aucun territoire, d’aucune nation, ils concernent tous les hommes quel que soit le lieu où ils habitent, quelle que soit leur origine. C’est un minimum pourrait-on dire.
Or nous sommes bien dans l’obligation de reconnaître qu’en France qui prétend être la patrie des droits de l’homme, il existe des endroits où elle ne les respecte pas. Des lieux où elle laisse dans le plus grand dénuement, des femmes, des enfants, des adultes, venus d’autres endroits du monde où toute vie est devenue impossible.
A Calais, la France abandonne, sans eau, sans nourriture, sans soin, sans toilette, des êtres humains. Non seulement elle les abandonne, mais elle empêche d’autres êtres humains de venir à leur aide. Elle envoie sa police sur place, elle surveille les abords, elle enferme et punit, elle chasse toute bonne volonté, elle met le feu aux habitations de fortune, elle détruit le peu de nourriture qui reste, elle matraque.
Les ONG ne peuvent plus faire leur travail à Calais, on les empêche, on les pourchasse, on détruit les biens qu’ils apportent, notamment les repas qu’ils viennent distribuer : on parle depuis quelques jours d’exactions des forces de l’ordre à Calais.
La consigne des autorités : zéro migrant. Les pouvoirs publics français souhaitent que le monde entier sache que Calais est un enfer sur terre et qu’il ne faut pas s’y rendre, comme à Alep, à Tripoli en Libye, à Mogadiscio ou à Mossoul. Blessures, violences, faim, saleté repoussante, gazage sont le quotidien de centaines et de centaines d’êtres humains qui ne souhaitent qu’une chose : quitter Calais, partir au plus vite vers l’Angleterre, terre  qui leur est refusée.
La guerre menée par la France contre les pauvres venus d’autres parties du monde est implacable, sans pitié.
Il s’agit d’un vrai scandale d’Etat.
Il est des lieux en France où l’esprit ne doit plus souffler, seul le vent mauvais du Léviathan y règne.
François Baudin


vendredi 2 juin 2017

La morale et la politique


Jamais les maux de la société ne viennent du peuple, mais toujours de ceux qui les gouvernent. La misère des peuples est le crime des gouvernements.
                                                                                                    
Pourquoi ?
Parce que l’intérêt du peuple se confond automatiquement avec l’intérêt général et le bien public. Et aussi parce que dans la plupart des cas, l’intérêt de l’homme en situation de gouverner correspond à son intérêt personnel. L’homme qui gouverne a une volonté individuelle et toute volonté cherche à dominer. Or un gouvernement est institué pour faire respecter la volonté générale.
Pour que la volonté de celui qui gouverne aille dans le sens de l’intérêt général, l’homme politique doit sacrifier son intérêt personnel et se préoccuper uniquement de la chose publique.
La politique n’est juste et morale que si elle est désintéressée. L’homme politique doit être uniquement guidé par l’intérêt général.

Cette loi naturelle et humaine, déjà précisée par Robespierre le 10 mai 1793, a été confirmée à travers tous les siècles. De tout temps les hommes parce que corruptibles profitèrent du pouvoir qui leur était donné pour s’enrichir et augmenter leur puissance. 

Comment faire ?
Seule une démocratie véritable pourra nous libérer de cette contradiction entre intérêt personnel et intérêt général, car tout pouvoir individuel est le fléau de la liberté.  
Plus les citoyens auront leur mot à dire, plus ils participeront aux affaires de l’Etat, aux affaires publiques, moins l’individu qui le représente pourra le tromper, lui mentir et s’enrichir.

On ne compte plus le nombre de lois visant à moraliser la vie publique, toujours détournées de leur sens, insuffisantes et vaines. 
A chaque fois le législateur tout préoccupé qu’il est par la puissance du gouvernement, oublie le sens même de son élection : défendre l’intérêt général et non celui particulier d’une classe sociale, d’une oligarchie financière ou d’une élite entrepreneuriale, défendre des intérêts privés représentés par des lobbys multiples et nuisibles à l’esprit démocratique. Ce qui en définitive le rend complice de la misère, du chômage de masse, de la désespérance qui traverse les peuples.
La vertu politique perd alors tout crédit dans la bouche de celui qui ne la pratique pas pour lui-même.
En marche ! : Cet appel à marcher tous ensemble est risible et contreproductif alors que d’autres avancent confortablement assis sur des chaises à porteurs.
Où sont aujourd’hui les vertus civiques alors que cette semaine encore, on apprend que les inégalités en France ne cessent pas de se creuser. Le nombre de chômeurs a été multiplié par deux en dix ans. 60% des enfants d’ouvriers sortent du système scolaire sans diplôme. 1122 années de SMIC représentent le revenu annuel du PDG de Renault-Nissan. 50% du patrimoine français est détenu par les 10% des plus fortunés. Presque 2 millions de travailleurs vivent sous le seuil de pauvreté en France. L’augmentation des revenus des 10% des plus riches s’élève à 42,4 milliards d’euros.
Seuls ceux qui gouvernement sont responsables de ce dérapages des inégalités jamais vues depuis le début de la République. Oui répétons-le : la misère, les difficultés grandissantes de nos concitoyens sont les crimes des gouvernements successifs.

François Baudin