vendredi 27 novembre 2015

Urgence pour les libertés


L’hommage autour du drapeau tricolore, rendu aux victimes des attentats, est un moment d’unité nationale comme il y en a peu dans l’histoire de notre pays.
Au-delà de ce qui nous divise, c’est tout un peuple qui s’unit dans la douleur, dans la défense des libertés et de la démocratie. Ce que justement les terroristes de Daech veulent anéantir.

Pourtant, cet hommage est d’autant plus puissant et significatif s’il est destiné de manière universelle à l’ensemble des victimes du terrorisme à travers le monde, et notamment actuellement en Afrique, au Maghreb et au Moyen Orient, dans ces régions qui souffrent et que les grandes puissances par leurs interventions militaires multiples ont contribué à déstabiliser et à détruire depuis une quinzaine d’années.

Cet hommage national s’il avait été adressé à tous aurait pris alors une autre dimension nous guidant vers un monde pacifié et plus heureux ; et notre drapeau national serait redevenu ce qu’il fut au moment de la Révolution française, le drapeau de tous les peuples du monde épris de paix, de démocratie, de liberté, d’égalité et de fraternité. Le drapeau bleu blanc rouge, n’est pas celui d’un seul pays, la France, mais il est celui de tous les peuples se levant pour conquérir leur droit.
Et aujourd’hui, quinze jours après ces horribles évènements, il y a un risque qu’un droit fondamental se trouve remis en cause : celui de manifester, de se réunir, de s’associer en toute liberté et démocratiquement.
Par la prolongation de l’état d’urgence et par le projet de révision de la Constitution de notre république, le risque d’une dérive autoritaire de la part du pouvoir politique est grand.
Les décisions récentes de l’état d’urgence pouvaient être justifiés par le dramatique évènement, mais de manière très provisoire. Et nous devons être vigilant pour que cet état ne se prolonge pas trop.
Cette prolongation aurait alors pour conséquence de geler tout mouvements sociaux, toutes formes d’expressions individuelles et collectives.
Des mesures disproportionnées et attentatoires à nos libertés changeraient la situation dans notre pays. Il y aurait alors en France un problème démocratique majeur, une atteinte aux libertés, ce que souhaite en définitive les mouvements terroristes comme Daech ou El Qaida.

On parle par exemple actuellement d’ouvrir des camps d’internement. Tous ces projets, toutes ces décisions d’interdire des manifestations, comme celles autour de la COP 21, sont dangereuses.
Aujourd’hui des associations de défense des Droits Humains s'alarment en nous rapportant les dérives d'une police qui, dans les témoignages qui nous sont remontés, défonce des portes et humilie des gens sous couvert de protéger la population du terrorisme.
Les enjeux de sécurité ne doivent pas nous exonérer de respecter les droits fondamentaux.
Le risque des dérives sécuritaires qui, dans l'urgence, peuvent alimenter la division et la stigmatisation d’une partie de la population, est réel.

Nous devons être conscients que l’état d’urgence représente un danger pour les libertés publiques. Il ne faut pas que cette mesure exceptionnelle devienne un prétexte pour interdire toute voix dissonante.
Les crimes commis à Paris le 13 novembre sont immenses, mais c’est en continuant à vivre librement et fraternellement que notre réponse sera à la hauteur.
Dans un communiqué publié cette semaine, la Ligue des Droits de l’Homme déclare qu’il est « essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés. L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie, l’exercice de la citoyenneté et le débat public. »
Ces dramatiques événements doivent devenir l’occasion de construire un autre chemin que celui qui nous est proposé. Un chemin qui donne à la paix et à l’égalité des droits toute leur place, un chemin qui nous engage en faveur d’une France solidaire, ouverte à l’autre, accueillante, libre et fraternelle. 
François Baudin


jeudi 19 novembre 2015

l'Humanité défigurée


Six jours après les massacres en masse d’innocents à Paris, nous sommes encore et toujours sous le choc, comme sonnés, tétanisés par l'évènement. Il faudra des jours et même des semaines pour retrouver une vie, une pensée juste.
Un sentiment d’effroi s’empare de nous et ne nous quitte pas. Nous pensons à nos parents, à nos enfants, à nos proches, aux familles des victimes. Et nous pleurons.
Ne pas céder à la psychose, continuer de vivre, faire comme avant : sortir, rencontrer ses amis, tenir nos réunions
 Et puis cette question : Que faire face à la situation que nous subissons ?
Être unis au-delà de nos différences, de nos idées, de nos croyances. Car nos différences ne sont rien face à l’évènement.
 Le poète écrivait :
Quand le blé est sous la grêle
Fou celui qui fait le délicat,
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur d’un commun combat

Une seconde question arrive aussi : pourquoi ?
Oui pourquoi toute cette haine ? Pourquoi ces morts ? Pourquoi la France, et Paris en particulier subissent-elles une telle attaque terroriste ?
Un sentiment d’injustice nous envahit. Les victimes, des simples gens attablés à une terrasse, des amateurs de musique, des supporters sportifs, tous ces amis n’ont rien à voir avec le drame qui frappe au Proche Orient, au Maghreb, en Afrique. Car chaque jour dans ces régions du monde qui sont proches de la notre, des innocents meurent par centaines, par milliers. La veille des attentats de Paris, une bombe a explosé à Beyrouth, le même vendredi 13 novembre en Tunisie un jeune berger s’est fait décapité par des fanatiques islamistes ; bien d’autres massacres au même moment en Syrie, en Irak, en Libye….
Aucune explication ne pourra jamais justifier ces crimes commis au nom d’une religion instrumentalisée par des fous. Il faudra sans cesse rappeler que l’islam n’est pas une religion de haine et de violence. Et toutes les religions ont eu, ont et auront encore leur folie meurtrière.

Une troisième question se pose alors : comment sortir de cette terrible période historique.
L’utilisation de la force militaire est loin d’être la solution, elle peut même ajouter encore de la guerre à la guerre. Les interventions récentes américaines et anglaises en Iraq, celle de la France en Libye n’ont rien résolues, bien au contraire. Elles n’ont fait qu’attiser les haines et favoriser l’explosion et la disparition de nations entières. Provoquant en définitive ce qui arrive aujourd’hui. Nous sommes présents militairement dans ces pays incandescents depuis des décennies, voire plus d’un siècle.
Interrogeons nous sur la politique étrangère qui domine dans les chancelleries occidentales.
Pourquoi cette alliance militaire, commerciale et économique contre nature avec les dictatures du Golfe qui ont armé, au moins idéologiquement, le bras qui aujourd’hui nous tue ?
Pourquoi ménager toujours la Turquie d’Erdogan complice indirectement, et même dit-on directement, des assassins de Daech.
Pourquoi laissons nous faire Israël qui chaque jour bafoue le droit international des peuples en Palestine.
Il est plus qu’urgent de revoir complètement notre politique étrangère et notre stratégie d’intervention militaire dans cette région du monde.
D’un seul cœur, la France a fait une minute de silence lundi dernier à midi. Cette minute pour penser à nos amis morts fut un grand moment de rassemblement du peuple tout entier. Cette minute doit aussi être dédiée à tous les morts victimes du terrorisme en Libye, au Liban, en Afrique, en Syrie, en Iraq…
Que surgissent parmi nous des Hommes qui crient leur indignation de voir à ce point défigurer l’image de l’Humanité.

 François BAUDIN

vendredi 13 novembre 2015

Radicaliser la démocratie



Dans 3 semaines nous aurons les résultats du premier tour des élections régionales. Nous pouvons dors et déjà entendre les commentaires sur la montée des idées de l’extrême droite en France et sur le nombre, très grand, des abstentionnistes qui ne vont pas aller voter.
A chaque élection, les  mêmes résultats, avec tout de même une montée irrésistible du nombre de voix extrémistes.
Les abstentionnistes eux seront culpabilisés, montrés comme mauvais citoyens, irresponsables, se moquant de la vie démocratique du pays.
Un constat unanime sera effectué : quelque chose ne fonctionne plus dans notre démocratie.
Le mot crise, dans tous les esprits, sera répété à longueur d’articles et prononcé dans chaque commentaire.

La France, la République, la laïcité et aussi la démocratie, toutes ces principes se fissurent, et ces fissures viennent détruire notre socle commun, notre capacité de vivre ensemble.
Faut-il attendre une catastrophe démocratique pour appeler à un réveil ?
Faut-il rejeter les principes qui nous rassemblent au nom de l’insuffisance actuelle de leur application ?
C’est justement en s’appuyant sur l’affirmation ambitieuse de ces principes que sont l’Egalité, la Fraternité, la Liberté que nous pourrons mobiliser les esprits et retrouver force et détermination.
Mais ces principes ne sont pas que des énoncés formels ; ils ne sont pas des mots creux et vides de sens répétés à longueur de temps ; ces principes ne sont pas des mensonges prononcés pour masquer une réalité qui vient les contredire. Un peu comme si la démocratie n’était là que pour reproduire des inégalités, reproduire une oligarchie, une élite. Dans ce cas le système démocratique avec ses rites électoraux, se transforme en masque, en paravent d’une vassalisation de la politique par une caste. Le lien de confiance entre le peuple et ses représentants sur lequel repose toute vie démocratique, est alors rompu.

Ces principes républicains (Liberté, égalité, Fraternité) doivent devenir des réalités tangibles pour tout le monde. Sinon le risque est grand de les voir balayer.
Or aujourd’hui l’insuffisance de leur application dans notre pays est tellement évidente, que c’est un lieu commun de le dire : déficit démocratique, poids des lobbys dans les décisions, inégalités monstrueuses, pauvreté, chômage de masse, désespoir d’une partie de la jeunesse privée d’avenir, gouvernants déconnectés de la vie des citoyens, promesses électorales non tenues, scandales à répétition, etc, etc… : la liste n’est pas exhaustive.
Tout cela donne le sentiment que le peuple est absent et très éloigné des décisions et laissé dans l’ignorance. Dans ces conditions, la défiance vis-à-vis des élus va en grandissant et la démocratie telle qu’elle est pratiquée semble être une illusion de démocratie, un ersatz de démocratie, une hypocrisie que les grands médias perpétuent.
Aujourd’hui il y a un risque, celui de la rupture entre le peuple et ses représentants. Peuple qui pense de plus en plus que les élections ne sont là que pour maintenir un système injuste.
Il est urgent de réformer notre système démocratique afin de rétablir l’espoir qu’a pu représenter un jour le suffrage universel.

Il faut affirmer qu’il y a actuellement une aspiration profonde à une autre vie démocratique. Le temps où certains se prétendent être l’élite de la nation face à une masse ignorante et incapable, masse silencieuse (majorité silencieuse comme on disait autrefois), est révolu. Le temps de la séparation et de l’opposition entre l’Etat, ses institutions et l’ensemble de la société est en voie d’achèvement. Un Etat séparé des gens et même parfois exerçant son pouvoir de répression sur eux est en voie d’extinction.
Il faut radicaliser la démocratie et pour ce faire, compter principalement sur ses propres initiatives.

François Baudin


vendredi 6 novembre 2015

Le poison identitaire


Je me souviens, dans les années 60 et 70, lorsque nous rencontrions un homme ou une femme, nous ne lui demandions pas, avant même d’entamer un échange avec lui, de quelle religion, de quelle origine, de quel pays, de quelle nation, de quelle chapelle, de quelle famille il était. Seule la qualité d’homme devait suffire pour échanger avec lui.
Notre simple désir était de rencontrer, de connaître son semblable. Nous placions alors, avant tout autre chose, le fait que la personne que nous avions en face de nous, était d’abord et en premier lieu, le même que nous, un être humain. La catastrophe du nationalisme que nos parents avaient vécue en Europe était encore dans toutes les mémoires et il fallait bâtir au-delà des frontières, un autre monde possible. Par exemple en France, l’idée européenne devait guider nos actions. L’idée internationaliste devait l’emporter sur la division, la séparation, et la concurrence de tous contre tous.

Cette manière de voir l’autre comme son semblable se concrétisait de manière pratique par une ouverture fondée sur le sentiment d’appartenir à un même ensemble qui constitue l’humanité.
Parmi les jeunes de l’époque, une soif de découverte, de possibilités infinies de rencontres, de voyages, de mobilité devait déboucher pour la génération de l’après Seconde guerre mondiale, vers un monde réconcilié. Dominait alors parmi les plus nombreux, le sentiment d’appartenir à un même monde qu’il nous fallait bâtir ensemble.

Puis l’idéologie de la différence fut exacerbée; mise en avant lors de la décennie suivante, par quelques penseurs qui avaient le vent en poupe. Et cette tendance a abouti naturellement 20 ans plus tard à un repli identitaire de chacun sur sa propre personne, son égoïsme, sa nationalité, sa religion, son origine géographique ou ethnique.
Du droit à la différence nous sommes passés lentement vers la différence des droits, jetant aux orties deux siècles de lent progrès vers l’universalisme.
Cette tendance historique nouvelle qui débuta dans les années 80, est devenue alors un vrai malheur pour l’humanité.
Le poison identitaire a fait son œuvre. Chacun est devenu son propre ennemi en cherchant à tout prix à s’enfermer dans une identité que le plus souvent on lui avait assignée de l’extérieur.
Avant d’être un homme, tu seras un musulman, tu seras un juif, tu seras de telle ou telle nationalité, de telle religion : tels sont aujourd’hui les mots d’ordre qu’on répète en permanence.
Le poison identitaire devient alors une véritable peste pour nous tous.
Oubliant que la longue histoire de l’humanité qui débute dès le paléolithique, donc il y a plus de 10000 ans, celle qui tend vers le bien et le progrès, est celle de l’immigration, de la mixité et du métissage. La pureté d’une nation, la pureté d’une race ou d’une ethnie, est une chimère inventée, une idéologie néfaste, une manière de dominer sur l’autre, de le rendre esclave. Elle se solde dans plupart des cas par la volonté de contraindre par la force chaque individu à son propre modèle, en définitive à ses propres intérêts. Elle est un chemin direct qui nous conduit à la disparition, à la mort.

Chaque individu a besoin pour vivre d’une identité reconnue, tout d’abord par lui-même. Mais celle-ci n’est jamais figée, elle se construit peu à peu et de manière infinie dans l’échange, la rencontre, l’interaction avec le monde. Elle est donc avant tout une ouverture.
Cette réalité évidente de la construction humaine semble être aujourd’hui oubliée et même niée. Si on pense que cette identité est un repli sur soi, une fermeture, un refus de l’autre, de l’échange, de l’interaction, une protection fondée sur la peur, alors très vite l’avenir de l’homme est en danger.
L’espoir d’une prise de conscience universelle doit rester gravé dans le cœur de chacun. La famille humaine ne doit pas revivre les heures sombres qu’elle connut par le passé.


François Baudin

dimanche 1 novembre 2015

Conférence de Claude Vautrin


Grand reportage : Le pas de côté en terrain miné

Conférence de Claude Vautrin
Jeudi 19 novembre à 20 h
MJC Pichon
 Boulevard du Recteur Senn
54000 NancC Pichon

Journaliste et écrivain, Claude Vautrin parcourt le monde depuis une quarantaine d’années. Il évoque dans cette conférence, illustrée de lectures, d’images et de sons, « Grand reporter, le pas de côté », son dernier ouvrage paru chez Kaïros. L’occasion d’échanger sur un métier, le système médiatique et d’en mesurer la beauté et le prix.